loi sanitaire (18 juli 1831)

     Le Congrès national,

     Décrète :

TITRE PREMIER. DE LA POLICE SANITAIRE

Art. 1er. Le chef de l'Etat détermine par des arrêtés, 1° les pays dont les provenances doivent être habituellement ou temporairement soumises au régime sanitaire; 2° les mesures à observer sur les côtes, dans les ports et rades, dans les lazarets et autres lieux réservés; 3° les mesures extraordinaires que l'invasion ou la crainte d'une maladie pestilentielle rendrait nécessaire sur les frontières de terre ou dans l'intérieur.

Il règle les attributions, la composition et le ressort des autorités et administrations chargées de l'exécution de ces mesures, et leur délègue le pouvoir d'appliquer provisoirement dans des cas d'urgence, le régime sanitaire aux portions du territoire qui seraient inopinément menacées.

Les arrêtés du chef de l'Etat ou les actes administratifs qui prescriront l'application des dispositions de la présente loi à une portion du territoire belge seront, ainsi que la loi elle-même, publiés et affichés dans chaque commune qui devra être soumise à ce régime.

Art. 2. Les provenances par mer des pays habituellement et actuellement sains, continueront d'être admises à la libre pratique, immédiatement après les visites et les interrogations d'usage; à moins d'accidents ou de communications de nature suspecte, survenus depuis leur départ.

Art. 3. Les provenances, par la même voie, de pays qui ne sont pas habituellement sains, ou qui se trouvent accidentellement infectés, sont, relativement à leur état sanitaire, rangées sous l'un des trois régimes ci-après déterminés :

  • sous le régime de la patente brute si elles sont, ou ont été, depuis leur départ, infectées d'une maladie réputée pestilentielle; si elles viennent de pays qui en soient infectés; ou si elles ont communiqué avec des lieux, des personnes ou des choses qui auraient pu leur transmettre la contagion;

  • sous le régime de la patente suspecte, si elles viennent de pays où règne une maladie soupçonnée d'être pestilentielle, ou de pays qui, quoique exempts de soupçons, sont ou viennent d'être en libre relation avec des pays qui s'en trouvent entachés; ou enfin si des communications avec des provenances de ces derniers pays, ou des circonstances quelconques font suspecter leur état sanitaire;

  • sous le régime de la patente nette, si aucun soupçon de maladie pestilentielle n'existait dans le pays d'où elles viennent, si ce pays n'était point ou ne venait point d'être en libre relation avec des lieux entachés de ce soupçon, et enfin si aucune communication, aucune circonstance quelconque, ne fait suspecter leur état sanitaire.

    Art. 4. Les provenances spécifiées en l'article 3 ci-dessus pourront être soumises à des quarantaines plus ou moins longues, selon chaque régime, la durée du voyage et la gravité du péril. Elles pourront même être repoussées du territoire, si la quarantaine ne peut avoir lieu sans exposer la santé publique.

    Les dispositions du présent article et de l'article 3 ci-dessus s'appliqueront aux communications par terre, toutes les fois qu'il aura été jugé nécessaire de les y soumettre.

    Art. 5. En cas d'impossibilité de purifier, de conserver ou de transporter sans danger des animaux ou des objets matériels, susceptibles de transmettre la contagion, ils pourront être, sans obligations d'en rembourser la valeur, les animaux tués et enfouis, les objets matériels détruits et brûlés.

    La nécessité de ces mesures sera constatée par des procès-verbaux, lesquels feront foi jusqu'à inscription de faux.

    Art. 6. Tout navire, tout individu qui tenterait, en infraction aux règlements, de pénétrer en libre pratique, de franchir un cordon sanitaire, ou de passer d'un lieu infecté ou interdit dans un lieu qui ne le serait point, sera, après due sommation de se retirer, repoussé de vive force, et ce sans préjudice des peines encourues.

    TITRE II. DES DÉLITS, CONTRAVENTIONS ET PEINES EN MATIÈRE SANITAIRE

    Art. 7. Toute violation des lois et règlements sanitaires sera punie :

  • de la peine de mort, si elle a opéré comunication avec des pays dont les provenances sont soumises au régime de la patente brute avec ces provenances, ou avec des lieux, des personnes ou des choses placées sous ce régime;

  • de la peine de reclusion et d'une amende de cent florins à dix mille florins, si elle a opéré communication avec des pays dont les provenances sont soumises au régime de la patente suspecte, avec ces provenances ou avec des lieux, des personnes ou des choses placés sous ce régime;

  • de la peine d'un an à dix ans d'emprisonnement et d'une amende de cinquante à cinq mille florins, si elle a opéré communication prohibée avec des lieux, des personnes ou des choses qui, sans être dans l'un des cas ci-dessus spécifiés, ne seraient point en libre pratique.

    Seront punis de la même peine, ceux qui se rendraient coupables de communications interdites entre des personnes ou des choses soumises à des quarantaines de différents termes.

    Tout individu qui recevra sciemment des matières ou des personnes en contravention aux règlements sanitaires, sera puni des mêmes peines que celles encourues par le porteur ou le délinquant pris en flagrant délit.

    Art. 8. Dans le cas où la violation du régime de la patente brute mentionnée à l'article précédent, n'aurait point occasionné d'invasion pestilentielle, les tribunaux pourront ne prononcer que la reclusion et l'amende portée au second paragraphe du dit article.

    Art. 9. Lors même que ces crimes ou délits n'auraient point occasionné d'invasion pestilentielle, s'ils ont été accompagnés de rébellion ou commis avec des armes apparentes ou cachées, ou avec effraction, ou avec escalade :

  • la peine de mort sera prononcée, en cas de violation du régime de la patente brute;

  • la peine des travaux forcés à temps sera substituée à la peine de reclusion, pour la violation du régime de la patente suspecte; et la peine de reclusion à l'emprisonnement pour les cas déterminés dans les deux avant-derniers paragraphes de l'article 7;

  • le tout indépendamment des amendes portées audit article, et sans préjudice des peines plus fortes qui seraient prononcées par le code pénal.

    Art. 10. Tout agent du Gouvernement au dehors, tout fonctionnaire, tout capitaine, officier ou chef quelconque d'un bâtiment de l'Etat, ou de tout autre navire ou embarcation; tout médecin, chirurgien, officier de santé, attaché, soit au service sanitaire, soit à un bâtiment de l'Etat ou du commerce, qui, officiellement, dans une dépêche, un certificat, une déclaration ou une disposition, aurait sciemment altéré ou dissimulé les faits, de manière à exposer la santé publique, sera puni de mort s'il s'en est suivi une invasion pestilentielle.

    Il sera puni des travaux forcés à temps et d'une amende de cinq cents à dix mille florins, lors même que son faux exposé n'aurait point occasionné d'invasion pestilentielle, s'il était de nature à pouvoir y donner lieu, en empêchant les précautions nécessaires.

    Les mêmes individus seront punis de la dégradation civique et d'une amende de deux cent cinquante à cinq mille florins, s'ils ont exposé la santé publique en négligeant, sans excuse légitime, d'informer qui de droit de faits à leur connaissance de nature à produire ce danger, ou si, sans s'être rendus complices de l'un des crimes prévus par les articles 7, 8 et 9, ils ont, sciemment et par leur faute, laissé enfreindre ou enfreint eux-mêmes des dispositions réglementaires qui eussent pu le prévenir.

    Art. 11. Sera puni de mort tout individu faisant partie d'un cordon sanitaire, ou en faction, pour surveiller une quarantaine ou pour empêcher une communication interdite qui aurait abandonné son poste ou violé sa consigne.

    Art. 12. Sera puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans, tout commandant de la force publique qui après avoir été requis par l'autorité compétente, aurait refusé de faire agir, pour un service sanitaire, la force sous ses ordres.

    Seront punis de la même peine et d'une amende de vingt-cinq à deux cent cinquante florins:

  • tout individu attaché à un service sanitaire, ou chargé par état de concourir à l'exécution des dispositions prescrites pour ce service, qui aurait, sans excuse légitime, refusé ou négligé de remplir ces fonctions;

  • tout citoyen faisant partie de la garde civique qui se refuserait à un service de police sanitaire, pour lequel il aurait été légalement requis en cette qualité;

  • toute personne qui, officiellement chargée de lettres ou paquets pour une autorité ou une agence sanitaire, ne les aurait point remis, ou aurait exposé la santé publique en tardant à les remettre, sans préjudice des réparations civiles qui pourraient être dues, aux termes de l'article 10 du code pénal.

    Art. 13. Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une amende de vingt-cinq florins à deux cent cinquante florins, tout individu qui, n'étant dans aucun des cas prévus par les articles précédents, aurait refusé d'obéir à des réquisitions d'urgence pour un service sanitaire, ou qui, ayant connaissance d'un symptôme de maladie pestilentielle, aurait négligé d'en informer qui de droit.

    Si le prévenu de l'un ou de l'autre de ces délits est médecin, l'amende sera de deux cent cinquante à deux mille cinq cents florins.

    Art. 14. Sera puni d'un emprisonnement de trois à quinze jours et d'une amende de trois à vingt-cinq florins, quiconque, sans avoir commis aucun des délits qui viennent d'être spécifiés, aurait contrevenu, en matière sanitaire, aux règlements généraux ou locaux, aux ordres des autorités compétentes.

    Art. 15. Les infractions en matière sanitaire pourront n'être passibles d'aucune peine, lorsqu'elles n'auront été commises que par force majeure, ou pour porter secours en cas de danger, si la déclaration en a été immédiatement faite à qui de droit.

    Art. 16. Pourra être exempté de toute poursuite et de toute peine, celui qui, ayant d'abord altéré la vérité ou négligé de la dire dans les cas prévus par l'article 10, réparerait l'omission, ou rétracterait son faux exposé avant qu'il eût pu en résulter aucun danger pour la santé publique, et avant que les faits eussent été connus par toute autre voie.

    TITRE III. DES ATTRIBUTIONS DES AUTORITÉS SANITAIRES EN MATIÈRE DE POLICE JUDICIAIRE ET DE L'ÉTAT CIVIL

    Art. 17. Les membres des autorités sanitaires exerceront les fonctions d'officier de police judiciaire exclusivement, et pour tous crimes, délits et contraventions, dans l'enceinte et les parloirs des lazarets et autres lieux réservés. Dans les autres parties du ressort de ces autorités, ils les exerceront concurremment avec les officiers ordinaires, pour les crimes, délits et contraventions en matière sanitaire.

    Art. 18. Les membres desdites autorités exerceront les fonctions d'officiers de l'état civil dans les mêmes lieux réservés. Les actes de naissance et de décès seront dressés en présence de deux témoins, et les testaments conformément aux articles 985, 986 et 987 du code civil. Expédition des actes de naissance et de décès sera adressée, dans les 24 heures, à l'officier ordinaire de l'état civil de la commune où sera situé l'établissement, lequel en fera la transcription.

    TITRE IV. DISPOSITIONS GÉNÉRALES

    Art. 19. (opgeheven)

    Art. 20. Le présent décret sera exécutoire le 25 du présent mois.