Le nombre de poursuites-bâillons continue d'augmenter d'année en année. En 2022, la Coalition Against Slapps in Europe (CASE) a recensé 570 cas en Europe, tandis qu'en 2023, ce chiffre sera passé à 820. Cependant, le phénomène est également observé en dehors de l'Europe. Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a adopté une résolution le 6 octobre 2022 dans laquelle il appelle les États membres de l'ONU à prendre des mesures contre ce phénomène alarmant.
Quelques exemples.
Malte
Les poursuites-bâillons sont conçues pour faire taire les voix critiques. La journaliste d'investigation maltaise Daphne Caruana Galizia en a fait l'expérience : au moment où elle a été tuée par une voiture piégée, des dizaines d'actions en justice étaient en cours contre elle. Les nombreuses actions en justice n'ont peut-être pas eu raison d'elle, mais la bombe a brusquement mis fin à sa vie et à son travail journalistique le 16 octobre 2017. Elle a mis au jour des affaires de corruption impliquant de hauts responsables politiques ainsi que de puissants hommes d'affaires à Malte. Une fondation portant son nom poursuit son travail : la Fondation Daphne Caruana Galizia.
Pologne
La Gazeta Wyborcza, le plus grand quotidien polonais, a été la cible d'une série de plus de 60 affaires civiles et pénales au cours des dernières années. Nombre d'entre elles ont été intentées par des hommes politiques du parti Droit et Justice (PiS). Des individus et des groupes liés à ce parti, dont son président Jarosław Kaczyński, ont également poursuivi des journalistes d'investigation et des universitaires.
Corona
En juillet 2021, Willem Engel, fondateur et inspirateur néerlandais de l'association Viruswaanzin, a poursuivi Marc Van Ranst, professeur de virologie à l'Université catholique de Louvain, directement devant le tribunal correctionnel de Malines pour diffamation. Un certain nombre d'expressions critiques ou négatives dans un journal et sur Twitter avaient pris Engel au dépourvu : Van Ranst avait traité Engel de négateur de virus, d'escroc et d'extrémiste de droite. La plainte a été rejetée parce que les délits de presse en Belgique relèvent depuis longtemps de la compétence exclusive de la cour d'assises et que les médias Internet relèvent également de la notion de "presse". Malgré l'incompétence évidente du tribunal correctionnel, Engel a néanmoins fait appel auprès de la cour d'appel d'Anvers, qui s'est également déclarée incompétente.
Cependant, M. Van Ranst a de nouveau été cité directement à comparaître pour diffamation, cette fois pour avoir traité M. Engel de négationniste du virus dans une émission d'information de la VTM. Le tribunal correctionnel de Malines l'a acquitté en décembre 2021 et a condamné Engel à 4 000 euros de dommages et intérêts pour procédure diffamatoire et téméraire. L'arrêt de la cour d'appel d'Anvers du 14 mars 2023 a confirmé, pour les mêmes raisons que le verdict, qu'il ne s'agissait pas de diffamation. Fait remarquable, la demande reconventionnelle de Van Ranst pour diffamation et procédure téméraire a été rejetée en appel. La cour d'appel a estimé que le litige et la manière persistante dont Engel a initié et poursuivi ces affaires pénales contre Van Ranst "bien que troublante, n'était ni terrifiante ni imprudente". Sur la base de cet arrêt, il reste apparemment un long chemin à parcourir pour limiter efficacement les procédures judiciaires manifestement infondées et abusives à l'encontre de la participation publique.
Autres exemples
Pour d'autres exemples, voir SLAPP en Belgique.
Pour d'autres exemples en Europe, voir également le site web de CASE, y compris "The Gallery of Shame".