SLAPP est l'acronyme de Strategic Lawsuit Against Public Participation (poursuite stratégique contre la participation publique, parfois appelée "procédure-bâillon" en Français) et désigne l'utilisation abusive de procédures judiciaires pour intimider ou réduire au silence les "chiens de garde" (journalistes, universitaires, ONG, défenseurs des droits de l'homme, organisations de protection de l'environnement, initiatives citoyennes, etc.). Il s'agit d'un phénomène inquiétant, car l'objectif du "slapper" (la personne qui initie une slapp) est d'étouffer le débat public en utilisant abusivement le système judiciaire.
Il s'agit généralement de (la menace de) poursuites civiles intentées par des personnes ou des entreprises influents ou disposant de moyens importants, alléguant qu'une publication, un rapport, une brochure, un dépliant ou un site web contient un contenu erroné ou diffamatoire. Par l'intermédiaire des tribunaux, ils exigent alors soit le retrait ou la modification de ce contenu, soit (et parfois en combinaison) des dommages-intérêts (substantiels) pour atteinte à leur réputation. Il s'agit aussi parfois de (menaces de) plaintes ou de citation directe au tribunal pénal, par exemple pour diffamation, harcèlement ou violation d’une disposition pénale concernant la protection de la vie privée. Ces actions sont souvent destinées à dissuader des journalistes de mener des enquêtes (de type journalisme d'investigation) ou des ONG ou des initiatives citoyennes de mener des actions. Les plaignants dans ces affaires n'ont pas objectivement de chance raisonnable de gagner un éventuel procès, mais veulent surtout harceler et dissuader leurs détracteurs par la perspective de frais de justice élevés et de procédures judiciaires connues pour durer longtemps. Dans certains cas, la menace d'intenter une telle action, par exemple par le biais d'une lettre émanant d'un cabinet d'avocats, suffit à produire l'effet recherché.
La Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe (Dunja Mijatovic, "Il est temps d’agir contre les « SLAPP »", 27 octobre 2020) a décrit le problème des procédures-bâillons comme suit :
"Les SLAPP, des procédures judiciaires destinées à intimider
Le rapport annuel de la plateforme du Conseil de l'Europe visant à renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes met en évidence des actions en justice infondées, engagées par des personnes physiques ou morales influentes qui cherchent à intimider les journalistes pour qu’ils renoncent à poursuivre leur travail. Dans certains cas, la simple menace d’intenter de telles poursuites, au moyen de lettres envoyées par des cabinets d’avocats influents, par exemple, suffit à produire l’effet escompté, c’est-à-dire à faire cesser les enquêtes journalistiques et la diffusion de leurs résultats.
Ce problème ne concerne pas uniquement la presse. Ce sont plus généralement ceux ayant un rôle de vigilance et de défense des intérêts du public qui sont visés. Militants, ONG, universitaires, défenseurs des droits de l’homme : tous ceux qui s’expriment dans l’intérêt public et demandent des comptes aux puissants risquent de devenir la cible de « SLAPP ». Ces pratiques, qui prennent habituellement la forme d’actions civiles ou pénales en diffamation, partagent plusieurs caractéristiques.
Tout d’abord, ces actions ont un caractère purement vexatoire. Leurs auteurs ne cherchent pas à gagner le procès mais à faire perdre du temps et de l’énergie à leurs adversaires, ce qui constitue une manœuvre destinée à réduire au silence les critiques légitimes. Ils sont généralement plus intéressés par le processus contentieux lui-même que par l’issue de l’affaire. Ils parviennent souvent à détourner l’attention et à intimider en rendant la procédure judiciaire onéreuse et chronophage. Dans bien des cas, les dommages-intérêts demandés sont exagérés.
Une autre caractéristique commune des SLAPP est le rapport de force inégal entre la partie demanderesse et la partie défenderesse. Des entreprises privées ou des personnalités influentes ciblent généralement des individus, en plus des organisations auxquelles ils appartiennent ou pour lesquelles ils travaillent, dans le but d’intimider ou de faire taire les voix critiques en faisant jouer uniquement la puissance financière de l’auteur du recours."
Dans un arrêt du 15 mars 2022 dans l'affaire OOO Memo c. Russie la Cour européenne des droits de l’homme a souligné le danger que les poursuites-bâillons représentes pour la démocratie. La Cour EDH a souligné "the growing awareness of the risks that court proceedings instituted with a view to limiting public participation bring for democracy".
Voir aussi: